L’ethnologie n’a cessé de s’interroger sur le pouvoir des sciences naturelles à expliquer les cultures humaines. Mais ces sciences dépendent elles-mêmes d’un point de vue particulier : celui des sociétés modernes sur leur environnement. Etudier l’environnement humain, c’est aussi comparer les différentes manières dont les cultures construisent leur nature.
Dans une célÈbre apologie de Jean-Jacques Rousseau, Claude Lévi-Strauss reconnaît à l’auteur du Discours sur l’origine de l’inégalité le mérite d’avoir fondé le champ de l’ethnologie en posant le problème des rapports entre la nature et la culture (1). Cette question parcourt toute l’oeuvre de C. Lévi-Strauss, mais elle accompagne aussi le développement de la discipline depuis ses origines, conduisant Michel Foucault à y voir sa marque distinctive : « Le problème général de toute ethnologie, écrivait-il, est bien celui des rapports (de continuité ou de discontinuité) entre la nature et la culture. » (2) L’auteur des Mots et les choses entendait ainsi souligner la contrainte dans laquelle se trouve l’ethnologie, pour comparer les cultures entre elles, de s’appuyer sur une région des savoirs proche de la biologie, de l’économie et de la linguistique. La distinction de méthode entre sciences de la nature et sciences de la culture, qui se met en place à la fin du xixe siècle, définit en effet le champ où l’ethnologie a pu se déployer.